C’est bientôt l’heure du retour mais rien ne se passe comme nous l’avions imaginé… c’est dans un contexte chaotique et angoissant que nous parvenons à rentrer chez nous. Et nous n’aurions jamais pensé être si soulagés de rentrer après six mois d’une aventure si extraordinaire. Ce n’est pas tant la peur de tomber malade qui a précipité notre retour mais plutôt la crainte de rester bloqués plusieurs semaines loin de chez nous et dans des conditions incertaines. Quitte à être confinés, autant l’être chez nous, dans un environnement familier, en particulier les enfants.
Après l’annonce de l’annulation de nos vols retours (lire post précédent) tout s’est enchaîné très vite :
Jusque tard dans la nuit (3h du matin) nous essayons de joindre Avianca pour changer notre vol Bogotá-Madrid annulé la veille. Impossible de faire le changement en ligne ni de parler à qui que ce soit au téléphone. La nuit est courte et agitée. Dès le réveil on cherche d’autres vols mais les frontières se fermant les unes après les autres, même les transits dans certains pays ne sont plus autorisés pour les Français. Nous recontactons l’Ambassade, toujours aussi à l’écoute, qui nous prévient que la Colombie annoncera d’autres mesures restrictives, en particulier pour les vols internationaux, à compter du lundi 23 mars et pour 30 jours ; ce qui va considérablement compliquer une situation déjà très compliquée… En gros, il nous reste deux jours pour rentrer en France si on ne veut pas rester bloqués en Colombie pour minimum un mois. L’Ambassade nous recommande de nous présenter à l’aéroport dès que possible pour essayer d’embarquer sur un des vols de la journée. En fait, à cause de l’épidémie, beaucoup de passagers qui avaient prévu des voyages vers l’Europe ne se présentent pas à l’embarquement, ce qui peut libérer un certain nombre de places. A cinq ça va être serré et on a très peu de temps pour réagir mais il faut tenter, c’est un peu notre dernier espoir !
Les sacs n’ont jamais été faits aussi vite et (presque) sans s’engueuler !! On s’arrange aussi avec les gérants de l’appartement pour pouvoir revenir le soir-même si nous n’arrivons pas à avoir le vol. On laisse sur place toute la nourriture qu’on avait achetée deux jours avant. Comme tous les Colombiens que nous avons croisés jusqu’à maintenant, les gérants sont adorables et très compréhensifs, ils nous aident aussi à commander un taxi. Comme la ville est en confinement depuis la veille, il nous faut un certificat pour pouvoir nous déplacer et rentrer dans l’aéroport. L’Ambassade nous le fournit par mail pendant qu’on boucle les valises.
Une fois à l’aéroport (il est déjà presque 14h…) on fait la queue au comptoir Avianca pour demander ce qu’ils proposent pour remplacer le vol annulé. Première réponse : tous les vols sont complets. On insiste et on pleurniche : famille avec trois enfants, bla bla bla… La personne au guichet nous dirige vers le check-in pour demander à être mis sur liste d’attente sur le vol pour Madrid qui part le soir-même. Devant nos mines désespérées, le gentil agent du check-in fait tout son possible auprès de ses responsables pour nous inscrire sur cette liste déjà bien pleine (40 autres personnes sont en attente). Finalement ça marche mais on ne saura pas avant 19h s’il y a de la place pour nous… ça va être long ! On s’installe où on peut, par terre en fait, comme tout le monde, et à distance raisonnable des autres, puis on attend…
A un moment, je décide d’aller faire recharger mon téléphone sur une borne un peu plus loin. Mais au bout d’un moment je perds la connexion WiFi de l’aéroport (sans m’en rendre compte) et je ne vois pas les nombreux appels et messages de Pascal. Je le vois débouler pas très content car il me cherchait partout (oups!!) mais avec une super nouvelle : il vient de faire le check-in des bagages, nous avons des places pour le vol Bogotá-Madrid. YES !!
En fait, pendant que Pascal attendait avec les enfants, il a vu un groupe de Français se présenter « au culot » au guichet business du check-in pour voir s’il y avait finalement des places sur les vols du soir. Parmi eux un couple de Français d’une trentaine d’années (Anna et Félix) qui voyageaient en Amérique du Sud depuis un an et qui ont eu des places sur le même vol que nous. Ils ont aidé Pascal à expliquer notre situation et ont même surveillé les enfants pendant qu’il me cherchait. Quand je reviens (un peu honteuse quand même…) tout le monde est en train de jouer joyeusement aux cartes, et les enfants ont déjà raconté tout le voyage à Anna et Félix !! Encore une belle rencontre à ajouter à notre liste !
Soulagés, on passe l’immigration et la sécurité, avec un personnel colombien toujours aussi amical, et on commence à chercher un moyen d’aller depuis Madrid jusqu’à Genève ou même Zurich, Lyon, Paris… Mais ça s’annonce mal car le vol Madrid-Genève du lendemain est complet, on ne trouve que des vols à 2 ou 3 escales, ou bien avec un changement d’aéroport pendant l’escale, etc. La galère quoi ! En plus, étant donné le niveau d’épidémie en Espagne, on n’a même pas le droit de sortir de l’aéroport. On se voit déjà dormir tous les cinq sur un banc dans le hall… (vous avez vu le film « Le Terminal » ?? lol)
Entre-temps Anna et Félix ont passé aussi la sécurité, on les retrouve en salle d’embarquement pour papoter et faire plus ample connaissance.
Après un vol de nuit de 9h pas très confortable ni reposant, nous atterrissons à Madrid à 12h30. On arrive dans un aéroport fantôme, tous les avions sont alignés sur la piste, c’est très silencieux en plus il fait moche, ça fait une drôle d’impression. A l’intérieur c’est presque pareil, juste des voyageurs comme nous qui attendent leur correspondance ou cherchent des solutions pour rentrer, et le personnel de l’aéroport en nombre assez restreint qui fait respecter les distances entre voyageurs et rappelle les gestes barrières. Des zones entières sont bouclées et toutes les boutiques sont fermées, sauf un vendeur de jambon, ils ne perdent pas le nord (-;
Et toujours aucune solution pour aller jusqu’à Genève… Anna et Félix sont dans le même cas que nous sauf qu’eux vont sur Paris. On se rend rapidement au comptoir Iberia mais l’accueil n’est pas des plus chaleureux, les agents sont juste exécrables ! Bienvenue en Europe, grosse claque après la gentillesse des Sud-Américains ! Pendant que Pascal et Félix tentent d’être mis sur liste d’attente pour les vols de la journée, je vais avec Anna demander s’il est possible de louer une voiture. Notre idée, si nous ne trouvons pas de vol, est de partager les frais de location et de remonter jusqu’en France tous ensemble. Mais l’unique agence de location ouverte (plus aimable cette fois) nous dit qu’on ne peut pas traverser la frontière avec un véhicule espagnol. Raté… Le temps de revenir, nos hommes ont pu nous mettre sur liste d’attente mais on ne saura qu’au moment de l’embarquement s’il y a de la place pour nous.
On discute encore un moment avec nos nouveaux amis, on échange les numéros et on se dit au revoir d’un check du coude. Dans la salle d’embarquement, tous les passagers ayant déjà des places commencent à monter dans l’avion. Puis vient la liste d’attente, les passagers « admis » sont appelés. Le stress monte d’un cran quand tout l’alphabet défile sans qu’aucun Detraz ne soit appelé… Hugo est au bord des larmes, il ne reste plus que cinq personnes avec nous, c’est vraiment l’angoisse ! Puis GROS soulagement, on est enfin appelé, ouf !! On respire à nouveau. Un monsieur qui attend aussi me fait un grand sourire, il a l’air soulagé pour nous. Nous serons en fait les derniers à monter à bord, on a eu chaud ! On ne sait pas ce que sont devenus ce gentil monsieur ni tous les autres, ni même s’ils nous ont laissé embarquer parce que nous étions la seule famille avec enfants…
La pression retombe enfin dans l’avion et l’émotion me submerge. On est parti si vite qu’on n’a pas eu le temps de se « préparer » au retour, ni de vraiment réaliser que c’était la fin de l’aventure. On n’a rien vu non plus de la Colombie qui semblait si prometteuse…
On reconnaît le paysage à mesure que l’avion amorce sa descente, ça fait du bien de se sentir bientôt chez nous. En passant la douane, l’accueil est très sympathique et réconfortant ; le douanier suisse nous demande comment s’est passé notre retour, si ce n’était pas trop compliqué, etc… « euh, effectivement c’était pas trop la fête, alors on est content d’être rentrés ! Mais c’est très gentil de demander » c’est vrai que c’est gentil… Par contre pas de bagages sur le tapis, ils sont restés à Madrid )-; Décidément ce passage à Madrid laisse un goût amer. De tous les vols qu’on a pris depuis six mois c’est le seul où on ne récupère pas nos bagages !!
On s’occupe de la paperasse-bagages puis on sort côté France où Pierre et Sonja (les parents de Pascal) nous attendent. C’est bon de les retrouver !! Même si on sait que ces retrouvailles vont être de courte durée et qu’il faudra patienter encore pour revoir tous nos proches et pouvoir tout leur raconter.
En arrivant à la maison j’ai l’impression de redécouvrir mon intérieur qui n’a pourtant pas bougé, comme si on arrivait dans un nouvel appartement Airbnb, on en a fait tellement !! Je m’extasie même devant le nombre de fourchettes et couteaux qu’on a dans nos tiroirs (on s’est parfois retrouvé avec 3 fourchettes pour 5, pas facile de manger des spaghettis à la cuillère à soupe !!). Les enfants sont bien sûr surexcités et tellement contents de retrouver leur chambre et tous leurs jeux, c’est le « cheni » au bout de 10 minutes ! Pascal retrouve ses guitares, et moi ma douche et mon lit…
Il faudra sûrement quelques jours pour digérer cette fin un peu abrupte. Heureusement elle est largement compensée par tous les beaux souvenirs qu’on garde bien au chaud dans nos têtes et nos coeurs, en attendant de vous les raconter « face à face », sans masque ni gants, quand tout sera revenu à la normale. On a hâte !!